Ce que les chefs de cartel peuvent nous apprendre sur le leadership (oui, vraiment)
Arnaud DROH
On ne s’attend pas à trouver des leçons de management dans le fonctionnement d’un cartel de drogue. Et pourtant, à y regarder de plus près, certains de ces leaders illégaux gèrent leurs « organisations » avec une rigueur stratégique qui ferait pâlir plus d’un manager du CAC 40.
C’est le postulat provocateur de Narconomics de Tom Wainwright : et si les cartels n’étaient rien d’autre que des entreprises… très bien gérées ? On peut en tirer 5 leçons inattendues de leadership tirées de ce monde souterrain.
1. Le sens de la délégation stratégique
Les chefs de cartel ne font pas tout eux-mêmes : ils délèguent. Chaque région, chaque opération, chaque « produit » est géré par des lieutenants de confiance, formés et souvent recrutés localement. Ils savent que leur rôle est d’avoir une vision d’ensemble, pas de mettre la main à la pâte.
Leçon pour les leaders légitimes : déléguer ne signifie pas perdre le contrôle, mais multiplier son impact. Formez vos relais, responsabilisez-les et concentrez-vous sur la stratégie.
2. La gestion du risque comme compétence clé
Quand vos concurrents veulent littéralement votre mort, chaque décision compte. Les chefs de cartel excellent dans la gestion des risques : déplacement des opérations, redéploiement des ressources, anticipation des répressions. Ce sont des experts du « plan B », voire du plan Z.
Leçon pour les entrepreneurs : dans un monde incertain, les meilleurs leaders sont ceux qui anticipent et adaptent vite. Avez-vous une vraie stratégie de résilience ?
3. La motivation par la loyauté (et la peur)
Les cartels utilisent des leviers puissants : peur, récompenses, reconnaissance. Mais surtout, ils cultivent la loyauté. Les plus efficaces ne dirigent pas que par la terreur : ils offrent du pouvoir, des statuts, et parfois même une protection sociale à leurs « employés ».
Leçon pour les RH : on ne fidélise pas une équipe uniquement avec un salaire. Valorisation, reconnaissance et sentiment d’appartenance sont tout aussi puissants.
4. Des décisions inspirées des grandes entreprises
Wainwright montre que certains cartels fusionnent, comme des entreprises, pour limiter la concurrence. D’autres adoptent le modèle de franchise à la McDonald’s : mêmes règles, même qualité de « produit », mais adaptation locale. Le leadership se structure comme dans une grande multinationale.
Leçon pour les CEO : pensez votre croissance comme un réseau. Centralisez l’essentiel, mais donnez de la liberté d’exécution sur le terrain.
5. Des leaders visionnaires (mais amoraux)
Aussi choquant que cela puisse paraître, certains leaders de cartel sont de vrais stratèges. Ils investissent dans la recherche de nouvelles drogues, diversifient leurs activités (trafic d’êtres humains, cybersécurité, etc.), et innovent plus vite que la régulation.
Leçon pour les dirigeants légaux : l’innovation n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Et les leaders qui voient loin prennent toujours une longueur d’avance.
Conclusion : apprendre sans approuver
Cet article ne vise pas à glorifier le crime, mais à observer avec lucidité. Le monde des cartels nous force à poser une question simple : et si nous manquions parfois d’audace, de vision et de stratégie dans nos propres entreprises ?
Parce qu’au fond, qu’on dirige une PME ou un empire illégal, les principes de leadership efficaces se ressemblent… à une différence près : les uns construisent, les autres détruisent.
